Vices cachés et prescription : les règles du jeu clarifiées par la Cour de cassation

Vices cachés et délais pour agir : les règles du jeu clarifiées par la Cour de cassation

La garantie des vices cachés impose au vendeur, qu’il soit professionnel ou non, de livrer un bien exempt de défauts susceptibles de rendre le bien impropre à l’usage auquel il est destiné (articles 1641 et suivants du Code civil). Cette garantie s’applique même en l’absence de clause spécifique, et peut concerner des ventes de véhicules, de machines, d'équipements, de matériaux de construction, etc.

Jusqu’à récemment, les délais pour agir étaient source d’incertitudes, notamment sur deux points essentiels :

  1. Le délai de 2 ans pour agir après la découverte du vice est-il un délai flottant ou préfix ?
  2. La durée maximale au-delà de laquelle plus aucune action n’est possible, même en cas de découverte tardive.

La Cour de cassation a rendu quatre arrêts très attendus pour uniformiser la jurisprudence, clarifier les règles de procédure, et renforcer la sécurité juridique des agents économiques.

Voici ce qu’il faut retenir.

Le délai de 2 ans est un délai de prescription, pas de forclusion

Ce que cela signifie : Vous disposez de 2 ans à compter de la découverte du vice pour agir et ce délai peut être suspendu dans certains cas. Par exemple, si une expertise judiciaire est en cours, le délai peut être suspendu.

Pourquoi c’est important : ce délai est moins rigide qu’un délai de forclusion, ce qui vous permet de gagner du temps si vous engagez rapidement des démarches comme une expertise judiciaire. Ce point renforce la protection des acheteurs professionnels.

Le délai butoir de 20 ans s'applique aux vices cachés

La Cour rappelle toutefois que l'acheteur ne peut agir au-delà de 20 ans après la vente, même si le vice est découvert très tardivement.

Ce délai butoir, prévu à l’article 2232 du code civil, court à partir de la date de la vente (et non pas à partir de la découverte du vice) et ne peut pas être suspendu.

Exemple : Vous achetez une machine en 2025 et vous découvrez un vice en 2030. Vous pouvez encore agir, car vous êtes dans le délai de 2 ans après découverte et dans le délai butoir de 20 ans. En revanche, si vous ne découvrez le vice qu'en 2046, il sera trop tard, même si vous ne pouviez pas le découvrir avant.

Un équilibre entre protection de l’acheteur et sécurité juridique du vendeur

La Cour tente de ménager les intérêts antagonistes du vendeur et de l'acheteur :

  • L’acheteur est protégé en pouvant agir 2 ans après la découverte du vice.
  • Le vendeur est sécurisé par le fait qu’il ne peut être poursuivi au-delà de 20 ans après la vente.

En pratique, cette solution favorise plutôt l’acheteur qui dispose d'un délai butoir très confortable pour intenter son action.

Conclusion et recommandations pour les professionnels

La Cour entend protéger les acheteurs, y compris en cas de découverte tardive du vice, sans compromettre les impératifs de la vie économique. Elle rappelle que les vendeurs ne peuvent pas rester indéfiniment exposés à des actions en justice.

En tant qu’acheteur :

  • Ne tardez pas à faire constater les défauts.
  • Agissez dans les 2 ans suivant la découverte.
  • Mais sachez que passé un délai de 20 ans après la vente, il sera trop tard, même en cas de vice caché avéré.

En tant que vendeur :

  • Soyez attentif à la rédaction des clauses de garantie et des clauses limitatives de responsabilité.
  • Archivez soigneusement les documents contractuels (contrat de vente, conditions générales, annexes, documentation technique du produit).

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Questions fréquentes

Pourquoi la décision de la Cour de cassation est critiquée par certains praticiens ?

Par le passé, la Cour de cassation considérait que l'action fondée sur l'existence d'un vice caché se prescrivait par 10 ans à compter de la conclusion de la vente sur le fondement de l'article L110-4 du code de commerce. Ce délai avait été réduit à 5 ans après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile

Cette solution était nettement plus favorable aux vendeurs professionnels qui bénéficiaient de la protection d'un délai butoir relativement court commençant à compter de la vente.